Depuis deux ans dans une tente au cœur de Montréal (Forum)

par Jéromec, mardi 22 août 2023, 08:43 (il y a 267 jours) @ Jéromec

''QU'ils fassent de l'immobilier''
-Marie-Antoinette KAQ

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Depuis deux ans dans une tente au cœur de Montréal

Aux abords d’une piste cyclable, sur un terrain boisé en plein coeur de Montréal, des cordes à linge attachées aux arbres annoncent aux passants qu’une petite communauté a pris racine dans le coin. Trois hommes d’une soixantaine d’années vivent dans leurs tentes depuis de nombreux mois, été comme hiver.

Contre toute attente, ces campeurs ont réussi à éviter de se faire expulser par la police — le sort habituellement réservé aux personnes itinérantes qui improvisent un camping non autorisé dans un parc de la ville. Malgré toutes les difficultés qu’engendre la vie dans un campement, les trois hommes affirment avoir trouvé la recette pour maintenir le leur : un maximum de trois tentes, pas d’abus d’alcool ou de drogue, pas de party, pas de feux de camp, apprendre à vivre ensemble (chacun dans sa tente) et se faire le plus discret possible.

Conrad a vécu dans des logements au cours des dernières années, mais une série de difficultés a fait en sorte qu’il s’est retrouvé à la rue. Sur son lopin de terre, qu’il occupe depuis deux ans, il aime ne pas avoir de comptes à rendre.


« Je travaille de nuit », lance-t-il. Il ramasse des canettes et des bouteilles dans le voisinage. Depuis qu’il a planté sa tente, il ne dérange personne en arrivant chez lui en pleine nuit, chargé de bouteilles qui s’entrechoquent. Les revenus tirés des bouteilles et la maigre pension de Conrad lui permettent de se nourrir et de s’approvisionner en propane.


Les trois campeurs ne sont pas laissés à eux-mêmes. Des travailleurs de rue passent à l’occasion pour s’informer de leurs besoins, des policiers leur rendent visite — et leur ont même donné des bottes — et les éboueurs ramassent leurs vidanges.

Conrad, Richard et leur voisin habitent le campement beau temps, mauvais temps. « Il y a des fois que je suis écoeuré de vivre dans une tente, surtout l’hiver, raconte Conrad. J’applique régulièrement pour un loyer modique, mais ça n’arrive jamais. »

Il y a des fois que je suis écoeuré de vivre dans une tente, surtout l’hiver. J’applique régulièrement pour un loyer modique, mais ça n’arrive jamais.

— Conrad
Dans des conditions difficiles, ils ont réussi à transformer ce petit coin de verdure en habitat fonctionnel. Près de sa tente bien isolée, entourée d’une canalisation qui évacue l’eau de pluie, Conrad répare des vélos pour aider un ami. Un réchaud à gaz lui permet de cuisiner. Il conserve ses aliments dans une glacière. Il possède aussi une chaufferette pour les froids d’hiver.

Survie
Malgré leur débrouillardise et leur grande capacité d’adaptation et d’organisation, les gens qui vivent dans des campements sont constamment dans un contexte de survie.

« Ils sont vraiment débrouillards. Leur campement, c’est leur maison. Ils vont s’adapter avec les réalités de la rue comme une personne qui fait du camping, mais dans un milieu urbain. La population peut trouver ça choquant, mais ce sont des gens qui essaient de survivre », explique le directeur général de PACT de rue, Maxime Bonneau. Son équipe et lui font partie des ressources qui accompagnent les trois hommes.

En général, le plus compliqué pour les gens vivant dans un campement, c’est d’aller aux toilettes. « Il y a beaucoup de plaintes qui viennent du fait que ces gens-là n’ont pas le choix de se soulager quelque part. Et ce quelque part, c’est souvent dehors à ciel ouvert, lance M. Bonneau. Il y a des gens qui utilisent des sacs, des chaudières, ils se débrouillent. Si vous me demandez mon avis, si ce n’est pas un choix personnel, le ciel ouvert ne devrait pas avoir lieu pour une question de dignité humaine. »

Habiter en campement dans une tente est loin d’être l’idéal, selon le directeur général de l’organisme L’Anonyme, Julien Montreuil. « Je me mets à leur place, et dans l’éventail de choix qu’ils ont pour se loger, le meilleur demeure de se retrouver dans une tente. Il faut reconnaître que, jusqu’à un certain point, on a manqué notre coup avec le manque de logements et de places adéquates pour loger ces personnes-là », ajoute-t-il.

M. Bonneau rappelle que les campements ne sont pas une solution, mais plutôt une conséquence de la crise du logement. « C’est sûr qu’un campement, aussi petit ou aussi grand soit-il, a sa raison d’être, et c’est mieux qu’un démantèlement, explique-t-il. La situation la plus réaliste, c’est de les laisser dans leur campement. C’est aussi la plus aidante présentement parce que ça nous permet de garder un lien [avec ces gens] et de travailler avec eux selon leurs besoins. »

Phénomène plus fréquent
Les campements du genre sont de plus en plus nombreux, souligne Maxime Bonneau. La pandémie, l’inflation et la crise du logement ont durement frappé les populations vulnérables jusqu’à les pousser vers la rue.

Malgré les centres d’hébergement et les refuges qui se trouvent un peu partout dans la ville, pour certains, vivre en campement représente la situation la mieux adaptée. « Le problème, c’est qu’on s’imagine que les refuges, c’est la solution à tout, explique Maxime Bonneau. Il y a des gens qui préfèrent se retrouver dans leur milieu, avoir leurs moments de solitude et leur propre espace qu’ils ne partagent pas avec 40 autres personnes. »

De son côté, le directeur de L’Anonyme déplore qu’à Montréal, « on n’a pas, ou très peu, de tolérance » à l’égard des campements. Et pourtant, les experts du terrain sont fermes sur cette question : le démantèlement ne devrait pas être une option. « Mettre le monde dehors de dehors, c’est assez ordinaire », fait valoir Julien Montreuil.


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