Biographie 5

 

Voici une copie de cette lettre que j'ai trouvé sur le net....mais, en fait, il s'agit de plusieurs lettres...

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Présentation

La lettre retrouvée après la mort de Beethoven en même temps que le "Testament d'Heiligenstadt" est composée de deux feuilles doubles écrites recto-verso, soit 8 pages, d'un format d'environ 200 x 238 mm et d'une feuille simple de 201 x 119 mm recto-verso, soit en tout 10 pages.

Le texte est écrit au crayon. Une analyse attentive démontre que certains mots ont été "repassés", également au crayon, dans un souci de meilleure lisibilité, sans doute par Anton Schindler, lequel a utilisé une partie de cette lettre en fac-similé dans la 3ème édition de sa biographie de Beethoven.

La numérotation des pages est de Schindler, ainsi que la tentative de rature des mots "Oh geh mit, geh mit" (Oh, viens avec, littéralement, mais qui prennent le sens de "accompagne-moi" littérairement).

On distingue deux cachets en haut des pages 1 et 5 qui ont été apposés par la Bibliothèque de Berlin.


Les lettres à l'Immortelle Bien-Aimée

Le six juillet au matin. -
Mon Ange, mon tout, mon moi - seulement quelques mots aujourd'hui, et cela au crayon - (avec le tien) - D'abord mon appartement n'est réservé avec certitude que jusqu'à demain, quelle inutile perte de temps avec ces détails - pourquoi ce profond chagrin, lorsque la nécessité parle - Notre amour peut-il survivre autrement que par des sacrifices, qu'en ne réclamant pas tout, peux-tu changer que tu ne sois pas toute à moi, et moi pas entièrement à toi - Ah Dieu contemple la belle nature et apaise tes esprits au sujet de ce qui doit être - l'amour exige tout et à bon droit, ainsi en est-il de moi avec toi, de toi avec moi - seulement tu oublies si facilement que je dois vivre pour moi et pour toi - si nous étions totalement réunis, tu ressentirais cette douleur aussi peu que moi -
Mon voyage fut affreux, je ne suis arrivé ici qu'hier à 4 heures du matin, parce qu'on manquait de chevaux la poste a choisi un autre itinéraire, mais quelle route horrible, à l'avant-dernier relais on m'a déconseillé de voyager de nuit, me faisant craindre une forêt, mais cela ne fit que m'exciter - et j'ai eu tort, la voiture s'est brisée sur cet affreux chemin, défoncé, simple chemin de campagne, (barré par Beethoven : et les) sans les 2 postillons que j'avais, je serais resté en route.

Esterhazi a connu le même destin sur l'autre route habituelle avec 8 chevaux que moi avec 4 . - Cependant j'ai en partie éprouvé du plaisir, comme toujours, quand je surmonte un obstacle avec bonheur. - maintenant passons vite de l'extérieur à l'intérieur, nous nous verrons sans doute bientôt, aussi aujourd'hui ne puis-je partager avec toi les réflexions que je me suis faites pendant ces quelques jours à propos de ma vie - si nos cœurs étaient toujours serrés l'un contre l'autre, je n'en ferais pas de semblables, ma poitrine est pleine de choses à te dire - Ah - il y a des moments où je trouve que la parole n'est encore rien du tout - égaye-toi - reste mon plus fidèle et seul trésor, mon tout, comme je le suis pour toi, quant au reste, ce sont les Dieux qui doivent nous envoyer ce qui doit être pour nous obligation et devoir.

Ton très fidèle
Ludwig

Lundi soir, 6 juillet

Tu souffres toi mon être le plus cher - à l'instant je me rends compte que les lettres doivent être remise à l'aube. Le lundi - Le jeudi - les seuls jours où la poste va d'ici à K. - tu souffres - Ah, où je suis tu es avec moi, avec moi et avec toi je parle et fais que je puisse vivre avec toi, quelle vie !!!! ainsi !!!! sans toi - poursuivi pas la bonté des hommes ici et là, que j'estime aussi peu vouloir gagner que mériter - Humilité de l'homme devant l'homme - elle me fait mal - et quand je me considère en comparaison de l'univers, que suis-je et qu'est celui -que l'on appelle le plus grand et pourtant - c'est encore là-dedans que réside le divin de l'humanité - je pleure quand je pense que probablement tu ne recevras que samedi les premières nouvelles de moi - autant que tu puisses m'aimer - je t'aime pourtant plus fort encore - cependant ne te cache jamais de moi - bonne nuit - en tant que curiste je dois aller dormir - (raturé : oh, viens avec, viens avec -) Ah dieu, si près, si loin ! N'est-ce pas un véritable édifice céleste que notre amour - mais aussi si solide, comme la voûte du ciel. -

Bon matin le 7 juillet -
 
Déjà du lit mes idées se pressent vers toi mon immortelle bien-aimée, de temps en temps joyeuses, puis de nouveau tristes, attendant du destin de savoir s'il nous écoutera - vivre je ne le puis que totalement avec toi ou pas du tout, oui, j'ai décidé d'errer au loin jusqu'à ce que je puisse voler dans tes bras et me dire chez moi auprès de toi, que je puisse envoyer mon âme tout entourée de toi dans le Royaume des esprits - oui hélas cela doit être - tu le comprendras d'autant mieux que tu connais ma fidélité envers toi, jamais une autre ne pourra posséder mon cœur, jamais - jamais - Oh Dieu pourquoi faut-il se séparer de ce que l'on aime tant, et pourtant ma vie à V. comme maintenant est une vie misérable - Ton amour fait de moi le plus heureux et le plus malheureux à la fois - à mon âge j'aurais maintenant besoin d'une uniformité d'une égalité de vie - cela se peut-il étant donné notre liaison ? - Ange, à l'instant j'apprends que la poste part tous les jours - et je dois par conséquent arrêter pour que tu reçoives la lettre tout de suite - sois calme, c'est seulement en considérant notre existence à travers le calme que nous pourrons atteindre notre but de vivre ensemble - sois calme - aime-moi - aujourd'hui - hier - quel désir baigné de larmes vers toi - toi - toi - ma vie - mon tout - Adieu - Oh continue de m'aimer - ne méconnais jamais le cœur tant fidèle de ton bien-aimé
L.
à jamais à toi
à jamais à moi
à jamais à nous

Notes
Cette lettre a été traduite en respectant scrupuleusement le fac-similé édité par la Beethoven-Haus en 1986.
Dans la mesure du possible la ponctuation de Beethoven a été respectée, tant que les tournures de phrases ne perdaient pas leur sens en traduction. Les tirets (importants car ils supposent une "pause" de l'esprit et sont typiques de l'écriture Beethovénienne) sont tous indiqués. Ils démontrent l'agitation dans l'esprit de Beethoven au moment où il rédigeait cette missive et s'ils paraissent parfois hors de propos certains sont néanmoins lourds de sens et peuvent être rapprochés des "soupirs" en musique.

En ce qui concerne les ratures indiquées celle de la page 3 est de Beethoven, celle de la page 7 très probablement faite par Schindler qui voulait donner à cette lettre une tournure moins "physique" et limiter la liaison à un aspect purement spirituel (cf. le livre "Beethoven as I knew him" dudit Anton Schindler).

Il est à noter que "Geliebte" signifie, en allemand "amant" ou "amante". Nous avons malgré tout utilisé "Bien-aimée" et "Bien-Aimé" qui ont toujours été privilégiés par tous les traducteurs. A l'époque de Beethoven les mots "amant" ou "maîtresse" (amante) n'avaient pas le sens péjoratif qu'ils ont pris de nos jours.

En italien on dit "traduttore = traditore", littéralement "traducteur = traître". Il a fallu remplacer des tournures de phrases typiquement allemandes justifiant des virgules, faisant parfois disparaître celles-ci au profit d'une traduction compréhensible en français, ceci afin d'éviter que le texte ne paraisse du "petit nègre" ce qu'il n'est absolument pas dans la langue d'origine.

Beethoven lisait énormément et aimait la poésie. Contrairement à des affirmations légères il n'était pas dépourvu d'instruction - et encore moins d'intelligence, cf. ses œuvres ! Toute sa correspondance le démontre. Cette lettre particulière est un cri d'amour jeté à la hâte sur le papier… et si on veut se forger une idée supplémentaire de l'importance de cette "geliebte" pour Beethoven, il suffit de remarquer ces trois petits mots de la page 1 : "avec le tien ", qu'il a rajoutés entre deux lignes, voulant lui montrer à quel point ce simple objet lui tenait à cœur.

La fin de la lettre "à jamais à toi, à jamais à moi, à jamais à nous" n'est pas sans rappeler le finale de certaines œuvres musicales du Maître… et les trois parties de la lettre semblent trois mouvements différents d'une sonate ou d'une symphonie…

Il est clairement établi que la lettre a été écrite en 1812. Les recherches concernant la destinataire sont jusqu'ici restées vaines. En conservant cette lettre avec le "Testament d'Heiligenstadt" Beethoven nous démontre qu'il donnait un sens particulier à ces deux points forts de son existence. Il n'a cependant pas dévoilé l'identité de sa bien-aimée… Faut-il respecter ce secret… Faut-il assouvir notre curiosité… Cela aiderait-il à mieux comprendre l'homme de savoir qui il a vraiment aimé ? A chacun de faire son propre choix sur la question.

 

à suivre (biographie de Beethoven 6)