Le réseau d’Hydro-Québec à Montréal dans un état « préoccupa (Forum)
Bravo, continuons de surcharger le réseau électrique, de bannir le gaz naturel, d'imposer les voitures électriques, d'exporter notre électricité à rabais et de néglier l'entretien du réseau afin de construire de nouvelles installations de production afin de satisfaire les besoins des industriels...
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2076302/reseau-hydro-quebec-montreal-preoccupant
Dans un document interne, la société d’État constate que plusieurs de ses équipements sont « vétustes » et qu’il est « de plus en plus difficile [de] travailler » sur un « réseau surchargé ».
Un homme, dans une petite cabine d'une grue d'Hydro-Québec jaune, répare des fils électriques.
Le réseau électrique d'Hydro-Québec à Montréal est dans un état « préoccupant », révèle un document interne datant de septembre 2023.
Photo : Radio-Canada
Olivier Bourque (Consulter le profil)
Olivier Bourque
Publié à 4 h 00 HAE
Hydro-Québec fait face à un défi de taille sur l’île de Montréal. Son réseau électrique est vieillissant et la très grande majorité de ses équipements stratégiques ont atteint leur date de péremption, si bien que la situation est devenue « préoccupante », est-il écrit noir sur blanc dans un document interne daté de septembre 2023 obtenu par Radio-Canada.
Dans celui-ci, la société d’État dresse un portrait inquiétant de la situation et affirme qu’il y a "urgence d’agir sur le réseau électrique de l’île de Montréal", où les pannes se sont succédé dans les dernières années.
Hydro-Québec constate que les sources de risques s’accumulent sur ses infrastructures. Au moins 70 % de ses équipements stratégiques (postes de distribution, transformateurs, etc.) montréalais ont dépassé leur durée de vie utile.
Et la situation est pire dans la métropole qu’ailleurs au Québec. Plus de 20 % des équipements ont entre 61 et 70 ans à Montréal, alors que ce taux est de moins de 5 % dans les autres régions.
La société d’État constate d’ailleurs que plusieurs de ses équipements sont "vétustes" et qu’il est "de plus en plus difficile [de] travailler" sur un "réseau surchargé".
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"Le réseau est dans un sale état. Il a manqué d’entretien, il a manqué d’amour pendant plusieurs années. On a laissé pourrir la situation", se désole une source contactée par Radio-Canada.
Un homme avec des lunettes.
L'expert en énergie Jean-Pierre Finet affirme que la gravité de la situation était connue, mais pas à cette échelle.
Photo : Source : LinkedIn
"On savait que la situation était grave, mais on ne savait pas que c’était grave à ce point-là", affirme pour sa part Jean-Pierre Finet, analyste au Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEE).
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Dans le document, Hydro-Québec écrit aussi que les risques "pour la santé et la sécurité" de ses ressources et du public sont élevés (feu, explosion, pannes...).
L’année 2023 a été l’une des pires en ce qui a trait aux pannes au cours des 25 dernières années, comme l’a souligné plusieurs fois le patron de la société d’État, Michael Sabia.
Défaillances, pannes et interruptions
L’an dernier, l’indice de continuité, c’est-à-dire le temps annuel d’interruption de service par client, a atteint 1459 minutes à Montréal, en hausse de 998 % par rapport à 2022; une situation imputable au verglas du printemps de 2023 qui avait touché plusieurs milliers de clients, selon Hydro-Québec.
Dans son document interne, la société d’État n’écarte pas la possibilité que survienne une défaillance majeure des équipements stratégiques du réseau électrique de Montréal, ce qui pourrait avoir des répercussions sur les services essentiels.
"Hydro joue avec le feu en dépassant la durée de vie utile des actifs. Il y a même des actifs qui ont plus que doublé leur durée de vie. C’est inquiétant; le risque d’incidents augmente avec le vieillissement", souligne Jean-Pierre Finet.
"Par exemple, le métro de Montréal pourrait être plongé dans une panne prolongée; ça pourrait toucher les feux de circulation, l’éclairage, le chauffage… Et tout cela à cause d’une défaillance qui est de plus en plus probable", poursuit-il.
Trois personnes, dont Guylaine Leclerc, assises derrière des micros durant une conférence de presse.
La vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, avait écorché Hydro-Québec dans son rapport de décembre 2022.
Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel
Ce constat rejoint les conclusions d'un rapport de la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, déposé en décembre 2022. Elle y affirmait que la fiabilité du réseau d’Hydro-Québec présentait "une baisse marquée".
La société d’État croit d’ailleurs que la situation de son réseau de distribution "est préoccupante", est-il écrit dans le document interne. Onze des 32 postes de distribution étaient en dépassement de capacité en septembre dernier.
En 2020, 17 % des transformateurs étaient en surcharge sur l'île, alors que cette proportion est de 9 % ailleurs. Quand il y a une surchauffe de façon prolongée, des risques de défaillance provoquant un incendie ou une explosion sont à considérer.
On a l’impression qu'ils laissent rouler le char; ils ne changent pas les freins et ils attendent de foncer dans le mur.
Une citation de Une source interne à Hydro-Québec
"Difficile de conclure autre chose que de la négligence lors des dernières années. Et tout cela, car on voulait maintenir des tarifs bas et de gros dividendes", critique M. Finet.
Ajoutons à ce constat qu’il manque de plus en plus d’électricité sur l’île de Montréal, ce qui fait en sorte que la société d’État peine à répondre "aux besoins de transition énergétique des clients de l’île", souligne Hydro dans son document.
"Ce qui m’inquiète davantage, de cette négligence présumée, c’est qu’on ne peut décarboner l’économie de Montréal comme on le veut à cause de ces limites-là", fait valoir M. Finet.
Le siège social d'Hydro-Québec, avec le logo de la société d'État et un drapeau du Québec sur le toit.
Hydro-Québec affirme que des investissements majeurs sont en cours.
Photo : La Presse canadienne / Paul Chiasson
Contactée par Radio-Canada, Hydro-Québec se montre publiquement beaucoup plus rassurante sur l’état de son réseau.
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"Des investissements majeurs sont en cours et se poursuivront dans les prochaines années. Sept postes ont déjà été complètement convertis à une tension de 315 kV. Le plan d’évolution de l’île de Montréal cible en priorité les postes et les lignes avec les équipements qui arrivent en fin de vie", a souligné Maxence Huard-Lefebvre, porte-parole de la société d’État.
Hydro a investi plus de 1 milliard de dollars au cours des 10 dernières années pour le renforcement du réseau sur l’île de Montréal, et il injectera 3 milliards de plus à l’horizon 2035 pour le rehausser.
Toutefois, selon des données internes, les projets de conversion pour augmenter la tension et la capacité ne seront pas suffisants pour combler les besoins du réseau.
S'il est prévu que ces opérations en cours améliorent la situation dans plusieurs arrondissements de Montréal, certaines zones demeureront problématiques, notamment l’est de la métropole, le centre-ville et l’extrême ouest de l’île.
Hydro-Québec convient toutefois que le réseau est plus vieux à Montréal parce que les quartiers ont été construits il y a plus longtemps.
"Dans d'autres régions du Québec où plusieurs nouveaux développements se sont faits il y a moins longtemps, il est normal que l'ensemble des infrastructures, dont le réseau électrique, soient également plus récentes", écrit le porte-parole de la société d'État, Cendrix Bouchard.
Toutefois, selon Pierre-Olivier Pineau, professeur titulaire du Département des sciences de la décision de HEC Montréal et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie, il est décevant de voir le réseau électrique dans un tel état.
"Ce n'est pas seulement en électricité qu’on voit cela, on a vu cela avec le métro, le réseau routier, on n’en parle pas. Notre société pense beaucoup à la croissance et ne pense pas à entretenir ses infrastructures", croit-il.
Selon lui, Hydro-Québec doit encourager ses clients à consommer moins en ajustant leurs tarifs ou en proposant davantage de tarification dynamique.
"C’est important de gérer la consommation. On se refuse à gérer la croissance de l'électricité, on est de gros consommateurs! On se refuse à hausser les tarifs et à les adapter pour refléter le coût réel des infrastructures et de la production. Ça encourage la surconsommation et ça contribue à faire un réseau saturé", souligne le professeur.
Un travailleur d'Hydro-Québec dans une nacelle coupe des branches autour d'une ligne électrique à la suite d'une tempête de verglas à Montréal, le 7 avril 2023.
Un travailleur d'Hydro-Québec dans une nacelle coupe des branches autour d'une ligne électrique à la suite d'une tempête de verglas à Montréal, le 7 avril 2023.
Photo : The Canadian Press / Graham Hughes
Une perte d’expertise, une main-d’œuvre surchargée
Toujours dans le même document, Hydro-Québec souligne aussi que sa main-d’œuvre est souvent surchargée ou dépêchée sur des urgences sur l’Île de Montréal, où il y a actuellement « une perte d’expertise » et « une difficulté d’attraction des ressources ».
Publiquement, Hydro-Québec dit toutefois ne pas s’inquiéter pour ses travailleurs sur le terrain.
"En tout temps, nous pouvons compter sur le nombre de monteurs requis à Montréal. Nous travaillons avec nos partenaires syndicaux pour assurer l’attraction, le déplacement et la rétention du personnel qualifié", souligne-t-on.
En 2023, l’effectif total d’Hydro-Québec a atteint 22 806 personnes, en hausse de 22 % par rapport à 2022.
Cependant, en avril dernier, le syndicat des employés de métier d’Hydro-Québec (SCFP-1500) rappelait que le nombre de ses membres (5690 en 2023, contre 5760 en 2010) était en baisse sur 13 ans. Pendant ce temps, le nombre d’abonnements a augmenté à 4,5 millions de clients.
"Un nombre total d’abonnements qui augmente, un réseau qui grandit et vieillit, combiné à un nombre d’employés de terrain qui reste stable… C’est la recette parfaite pour la dégradation de la qualité du service", concluait le syndicat.