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L’ex-chef de cabinet du ministre de la Santé Christian Dubé devient lobbyiste... en santé
Jonathan Valois défendra notamment les intérêts de Biron Groupe Santé et de la Fédération des médecins spécialistes du Québec

Jean-Louis Fortin

Vendredi, 26 juillet 2024 00:00

MISE À JOUR Vendredi, 26 juillet 2024 00:00

À peine un an après avoir quitté la politique, l’ex-chef de cabinet du ministre de la Santé Christian Dubé se lance dans le lobbyisme pour influencer le gouvernement Legault, a découvert notre Bureau d’enquête. Son plus récent client: l’entreprise de laboratoires médicaux longtemps dirigée par la nouvelle «top gun» de la santé, Geneviève Biron.

Jonathan Valois, qui était chef de cabinet du ministre Dubé jusqu’en octobre 2022, s’est inscrit ce mardi comme lobbyiste pour le compte de Biron Groupe Santé, afin que l’entreprise obtienne des contrats publics.

À ce titre, il entend faire des représentations auprès de ses anciens collègues du cabinet Dubé et des dirigeants du ministère de la Santé, mais aussi auprès de Geneviève Biron, patronne de Santé Québec, la nouvelle organisation qui chapeautera le réseau de la santé.

Or, Mme Biron a été présidente et cheffe de la direction de Biron Groupe Santé pendant 7 ans jusqu’en 2021. C’est maintenant sa sœur Caroline qui dirige l’entreprise spécialisée dans les tests de laboratoire et l’imagerie médicale.

«C’est sûr que, évidemment, les gens font des liens. [...] Mais je fais mon travail avec les plus grands standards d’éthique», a assuré M. Valois jeudi en fin de journée, joint au téléphone.

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Jonathan Valois. Photo tirée de la page web de Mongeau Pellerin

Très proche de Dubé

Jonathan Valois a été l’un des plus proches conseillers de Christian Dubé pendant deux ans et demi, notamment à titre de membre de la cellule de crise mise en place pendant la pandémie de COVID-19.

Il a ensuite été brièvement chef de cabinet du ministre de la Culture et des Communications Mathieu Lacombe, avant de quitter l’arène politique le 5 mai 2023.

Il dit avoir eu le feu vert de la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale et du commissaire au lobbyisme avant de devenir lobbyiste, et avoir l’intention de «bien faire les choses» et de «faire attention» afin d’éviter les conflits d’intérêts.

«C’est beaucoup d’années en politique qui se sont faites sous le sceau de la rigueur et de l’éthique, et je ne veux certainement pas faire les choses autrement rendu à 53 ans», assure-t-il.

Est-ce à dire qu’il ne parlera pas directement à ses anciens collègues? Sans répondre directement à cette question, Jonathan Valois indique qu’il va privilégier que ses clients «fassent leurs représentations eux-mêmes» auprès du gouvernement, après les avoir outillés.

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Geneviève Biron et Christian Dubé. Photo STEVENS LEBLANC

Médecins spécialistes

Le nouveau lobbyiste agit désormais pour le compte de la firme montréalaise d’affaires publiques Mongeau Pellerin & Co. Il y a été embauché comme vice-président en octobre 2023.

Il a attendu tout juste la fin de la période d’interdiction d’un an imposée par la loi aux anciens employés des cabinets ministériels avant d’inscrire ses premiers mandats, qui sont presque tous pour le compte d’organisations du domaine de la santé.

M. Valois défendra notamment les intérêts d’entreprises privées comme Medfar International, spécialisée dans les dossiers médicaux électroniques, et LGI Solutions Santé, qui commercialise des logiciels destinés aux établissements de santé.

Il représentera aussi la Fédération des médecins spécialistes du Québec et l’ordre professionnel des technologistes médicaux du Québec.

Jointe jeudi après-midi, Julie Drolet, conseillère au cabinet du ministre de la Santé, a indiqué qu’elle ne souhaitait pas émettre de commentaire.

Avec la collaboration de Marie Christine Trottier

Encore des liens même après un an

Une experte en gouvernance croit qu’un ancien directeur de cabinet ne devrait tout simplement pas avoir le droit de faire du lobbying auprès de ses anciens collègues, tant qu’ils sont encore en poste.

Si Jonathan Valois a respecté la loi en attendant un an avant de devenir lobbyiste, Saidatou Dicko, professeure à l’UQAM et spécialiste en gouvernance, estime que cela ne suffit pas à dissiper les apparences de conflit d’intérêts.

«Une personne qui a quitté ses fonctions, après un an, est-ce que tous ses liens ont été coupés? Est-ce que toutes les personnes qu’elle connaissait ne sont plus là?» demande-t-elle, en entrevue.

«C’est ça la question: quels sont ses liens et quelle est la possibilité que ces liens-là puissent être utilisés pour des fins personnelles?» explique Mme Dicko.

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En profiter

Selon l’experte, «ceux qui arrivent à faire ce genre d’activités [de lobbyisme], c’est parce qu’ils ont des liens, ils ont déjà été dans le milieu, ils connaissent des gens et ils vont utiliser ces liens-là pour avoir des contacts, des intérêts privés».

Elle cite des études américaines qui se sont intéressées aux liens des lobbyistes qui ont quitté la politique, avec leurs anciennes équipes.

«Les gens qui ont quitté ces postes vont essayer d’en profiter par la suite pour en faire des activités lucratives. On sait aussi que ça va s’estomper dans le temps. Ce sont des équipes qui tournent beaucoup. La politique, ce n’est pas stable.»