Le dégel du pergélisol ouvre la porte à la dispersion massiv (Forum)

par Jéromec, lundi 10 juillet 2023, 09:51 (il y a 294 jours) @ Dédé

faut subventionner les minières et les pétrolières sinon elles vont aller forer ailleurs...

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1975232/contamination-pergelisol-changement-climat...

Le dégel du pergélisol ouvre la porte à la dispersion massive de contaminants


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La Presse canadienne
Publié 2023-04-29 | Mis à jour le 30 avril 2023
Une autre catastrophe écologique guette l'Arctique en marge du réchauffement climatique.

Alors que les experts font depuis longtemps état de la menace posée par la libération de quantités massives de gaz à effet de serre – méthane et CO2 – qui vont s'échapper avec le dégel du pergélisol, une nouvelle étude démontre que des contaminants toxiques de toutes sortes, accumulés depuis des décennies sur des sites industriels dans le Grand Nord, sont également à risque de s'échapper.

L'étude de la revue Nature Communications, réalisée par des chercheurs de l'Institut Alfred-Wegener pour la recherche polaire et marine, à Bremerhaven, en Allemagne, recense des dizaines de milliers de sites industriels contaminés, dont environ 3600 dans les régions de pergélisol du Canada et de l'Alaska.

Il s'agit de sites d'exploration ou de forage pétrolier, de sites miniers et d'anciennes installations militaires, autant d'endroits où, au fil des décennies, on a enfoui et entreposé des déchets toxiques en tenant pour acquis que le pergélisol, présumément gelé en permanence, constituait une barrière sécuritaire et impénétrable.

Or, le dégel du pergélisol, dont le nom signifie littéralement sol gelé en permanence, représente une menace qu'on n'avait pas prévue à l'époque.

Il y en a partout
Je ne suis pas du tout surpris qu'on nous dise que ces sites contaminés vont se dégrader à cause du dégel du pergélisol, explique Christopher Burn, expert en pergélisol, en changements climatiques et en glaces terrestres au département de géographie de l'Université Carleton, à Ottawa.

« Ce qui me surprend le plus, c'est la cartographie qui montre l'étendue des sites contaminés dans l'Arctique. »

— Une citation de Christopher Burn, expert en pergélisol, Université Carleton
Quand on regarde la carte, on voit un grand nombre de sites là où on pouvait s'y attendre, mais il y a aussi d'autres points partout qui indiquent qu'il y a eu de l'activité militaire, industrielle ou minière. Quand on regarde la région canadienne de pergélisol, qui occupe tout le Nord canadien, il faut reconnaître qu'il y a très peu d'endroits où il n'y a pas de sites contaminés à l'échelle de cette carte. Il y en a partout, laisse tomber Christopher Burn.

Une barrière qui fond
Tabatha Rahman, une doctorante en géographie à l'Université Laval qui se spécialise dans la géomorphologie du pergélisol, explique ce qui pointe à l'horizon d'un dégel, le pergélisol canadien étant composé non seulement de terre et de roche, mais aussi de beaucoup de glace.

Quand le pergélisol est gelé, l'eau ne peut pas passer au travers : c'est comme une barrière à l'écoulement de l'eau dans le sol. Mais plus le climat se réchauffe, plus le pergélisol dégèle, et l'eau s'écoule de plus en plus profondément dans le sol, amenant avec elle des contaminants, parfois dans des régions très lointaines, explique-t-elle.

« L'eau est un moyen de transport incroyable. On trouve des microplastiques jusqu'au pôle Nord, à des milliers et des milliers de kilomètres des sources de plastique. Dans les régions où il y a de la contamination et où le pergélisol dégèle, l'écosystème est certainement à risque. »

— Une citation de Tabatha Rahman, doctorante en géographie à l'Université Laval
De plus, dit Christopher Burn, le facteur temps s'ajoute à cette réalité.

La majorité de ces sites sont près de rivières et de l'océan. Avec ce genre de contaminants, tout secteur qui est près de la source de contamination se retrouvera avec une concentration non seulement élevée, mais aussi persistante. Il ne s'agit pas ici d'une année ou d'une saison de contamination. Une fois que ces contaminants entrent dans le réseau aquifère, ils sont là pour très longtemps. Et comme l'eau transporte tout sur de grandes distances, le problème va s'étendre, avertit-il.

Les erreurs du passé
Il n'y a donc, à terme, que deux possibilités : réparer les dégâts ou vivre avec les erreurs d'un passé où les préoccupations environnementales étaient quasi inexistantes, rappelle Christopher Burn. Dans les années 1960 et 1970, quand plusieurs de ces sites maintenant contaminés ont été créés, le consensus était que le pergélisol serait gelé en permanence, d'où son nom. On n'envisageait même pas qu'on aurait le genre de changements climatiques que nous entrevoyons maintenant dans les régions nordiques.

L'argent a été un facteur déterminant derrière ces décisions, ajoute-t-il. Il est beaucoup moins coûteux de tout enterrer sur place que de le sortir, et c'était la pratique généralisée dans les années 1960 et 1970. Mais ces entreprises avaient des permis du gouvernement à l'époque, de sorte qu'il est légalement difficile de leur faire porter la responsabilité de manière rétroactive.

Essence avec plomb et BPC
Daniel Fortier, professeur de géographie à l'Université de Montréal et directeur du Géocryolab, un laboratoire d'études de la géomorphologie et de géotechnique des régions froides, note que l'âge de plusieurs sites vient compliquer la donne.

Il y a de vieux contaminants, des choses qu'on ne produit plus aujourd'hui, par exemple de l'essence avec du plomb, qu'on peut trouver à certains endroits dans l'Arctique, où il y avait ce qu'on appelle des "fuel caches", c'est-à-dire des bidons d'essence stockés à certains endroits pour le ravitaillement militaire et civil, dit-il.

Une station de la ligne de radars avancée DEW à Kugaaruk, au Nunavut.
Les installations militaires, dont la ligne de radars avancée DEW, construite pour protéger le Canada et les États-Unis contre des missiles lancés depuis l'URSS, sont une des sources potentielles de pollution en cas de dégel du pergélisol. (Photo d'archives)

PHOTO : RADIO-CANADA / JOHN LAST

Il y a des rejets miniers, par exemple ce qu'on appelle des "sumps". Ce sont des boues et des fluides de forage qui se trouvent à l'intérieur du pergélisol dans les Territoires du Nord-Ouest et qui vont causer bien des problèmes. Il y a aussi, évidemment, tous les villages arctiques alimentés en électricité par des génératrices au diesel, donc il y a plusieurs endroits où on entrepose à la fois du diesel, du kérosène, de l'essence et divers produits de ce type, explique Daniel Fortier.

Du côté militaire, on parle notamment des anciennes installations radar de la ligne DEW (Distant Early Warning, la ligne de radars qui devait prévenir rapidement en cas d'attaque de missiles en provenance de la Russie), mais il y a de l'espoir de ce côté, souligne Christopher Burn.

Plusieurs des sites DEW ont été abandonnés, mais il y a eu du nettoyage. Sauf que cela s'est avéré très coûteux, parce que sur plusieurs de ces sites, on avait enterré beaucoup de BPC et d'autres contaminants qui ne peuvent pas rester enfouis. Évidemment, si ces matériaux se libèrent dans l'environnement avec le dégel du pergélisol, ce sera un grave problème. Le nettoyage de la ligne DEW est un programme très coûteux, mais il se poursuit toujours.

Réfrigérer le pergélisol
Les pires sites contaminés sont issus du secteur minier et sont situés dans le Nord-Ouest, souligne M. Burn, qui place en haut de la liste la mine de plomb et de zinc Cyprus Anvil à Faro, au Yukon. La compagnie a quitté les lieux en 1998 sans jamais avoir obtenu d'approbation de fermeture ni fourni un plan de restauration, déplore-t-il.

Des thermosiphons du système de réfrigération du sol érigés dans le cadre du projet d'assainissement de l'ancienne mine Giant se dressent devant un chantier à Yellowknife, le 21 septembre 2022.
À Yellowknife, un vaste projet d'assainissement a été entrepris à l'ancienne mine Giant, notamment pour tenter de contenir les 237 000 tonnes de trioxyde de diarsenic produites durant l'exploitation en les congelant dans le sol à l'aide d'un système de réfrigération. (Photo d'archives)

PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / ANGELA GZOWSKI

L'autre cas qu'il évoque est presque surréaliste, raconte le chercheur : on a décidé de geler de nouveau le pergélisol dégelé à la mine d'or Giant à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest.

Ils ont décidé que le problème est perpétuel parce qu'ils ont enseveli du trioxyde d'arsenic sous forme de poussière et ils veulent que ce soit gelé et que cela reste gelé. Ils ont donc décidé d'installer une centrale énergétique sur place pour maintenir le sol gelé. C'est extrêmement coûteux. Mais ce serait encore plus coûteux et dangereux de le sortir et de le transporter dans le Sud pour qu'il y soit traité.

Le Québec en meilleure posture
Le Québec, lui, s'en tire plutôt bien, affirme Daniel Fortier. On en a moins au Québec que dans le nord-ouest du Canada, explique-t-il. D'une part, il n'y a pas eu d'activité importante d'exploration pétrolière et de forage. D'autre part, l'industrie minière est assez récente pour avoir été soumise à des normes plus sévères qu'il y a 50 ou 60 ans. Ce qui se passe au niveau minier actuellement au Québec, c'est bien suivi et ç'a été bien installé.

Christopher Burn confirme. Au Québec, il y a moins de problèmes. La mine Raglan, par exemple, est en activité maintenant. Il y aura certainement des problèmes à long terme, comme dans toute activité minière nordique, mais il y a maintenant des dispositions en vertu desquelles les entreprises doivent verser une caution permettant à ceux qui hériteront du site – normalement le gouvernement – d'avoir le financement requis pour sécuriser le site.

Par contre, le Nord québécois n'échappera pas à une éventuelle dispersion de contaminants qui fuiront dans les plans d'eau avec le dégel du pergélisol. Ce dégel, affirme Christopher Burn, surviendra plus tôt qu'on pourrait le penser.

D'un côté, nous ne pensions pas que les émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère pourraient avoir un impact aussi massif sur le climat, comme on a dû le constater au cours des 50 dernières années. De l'autre côté, nous n'avions pas compris jusqu'à quel point les changements climatiques seraient amplifiés dans les régions polaires. Cette amplification, nous l'observons maintenant, mais il a fallu 50 ans de données pour nous convaincre que ce que nous voyons est vrai plutôt que de n'être qu'une simple variation du climat associée aux fluctuations


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