Le logement social, c'est payant. (Forum)

par Jéromec, jeudi 07 septembre 2023, 08:07 (il y a 449 jours) @ Blake

Certes, mais...

Légros de son côté souhaite que le prix des maisons rejoignent ceux de Toronto et Vancouver... la pénurie de logements C'est aussi PAYANT pour ceux qui ont de l'immobilier, comme les Barons de la KAQ...

https://iris-recherche.qc.ca/blogue/logement/acces-au-logement-menace/

L’accès au logement menacé par les choix du gouvernement Legault

Au début du mois de juillet, on était témoin d’un échange virtuel entre François Legault et l’auteur Kevin Lambert, dont le plus récent roman « Que notre joie demeure » a fait l’objet d’une critique enthousiaste de la part du premier ministre du Québec. Après que l’auteur eut fait valoir à M. Legault que son gouvernement était en partie responsable de la crise actuelle, le premier ministre lui a notamment rétorqué que puisque le problème découlait d’un déséquilibre entre offre et demande, il fallait non pas geler les loyers comme certains le suggèrent, mais plutôt encourager la construction de logements afin d’augmenter l’offre, en plus d’offrir des mesures d’aide pour les personnes à faible revenu.

Le revenu des ménages ou le salaire des employé·e·s est effectivement un facteur important à prendre en compte dans l’élaboration de politiques capables de protéger le droit au logement. Partout au Québec, les loyers demandés pour les logements disponibles ont augmenté, la plupart du temps de manière importante. Or, une récente étude du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) montre qu’au Canada, la plupart des salarié·e·s au bas de l’échelle n’ont pas les moyens de se loger convenablement. En effet, la rémunération horaire moyenne nécessaire pour couvrir le coût moyen d’un logement en travaillant 40 heures par semaine et sans consacrer plus de 30% de son revenu au loyer (ce que le CCPA appelle le « rental wage ») dépassait le salaire minimum dans absolument toutes les provinces. Ce « salaire locatif » est inférieur au salaire minimum dans seulement trois villes parmi les 37 étudiées, soit Sherbrooke, Trois-Rivières et Saguenay. Dans ce contexte, il devient effectivement nécessaire d’aider les ménages les moins fortunés à couvrir le coût de leur logement.

Mais s’en tenir à transférer des fonds aux plus pauvres pour qu’ils soient en mesure de loger dans un marché où les prix explosent ne peut constituer une solution permanente ni structurante à la crise du logement. C’est faire fi des dynamiques qui tirent vers le haut les loyers et c’est ignorer les moyens pour les contrecarrer. S’il est toujours possible pour un propriétaire d’évincer des locataires pour relouer à fort prix ou convertir son logement en condo, de refuser une cession de bail, de contourner les règles de fixation des loyers, ou d’utiliser son logement pour de l’hébergement à court terme, alors les loyers pourraient continuer d’augmenter de façon disproportionnée. L’aide aux ménages n’apparaît dès lors que comme une manière pour le gouvernement de compenser pour son propre laxisme en matière de contrôle des loyers. Ce faisant, c’est toute la société qui, à travers un recours aux fonds publics qui pourraient aller en grandissant, se trouve à devoir payer pour que des propriétaires immobiliers puissent continuer à faire du profit.

François Legault dit aussi miser sur la construction de logements pour répondre aux besoins des Québécois·es en matière d’habitation. Mais là encore, construire plus dans un marché peu régulé où les propriétaires peuvent sans trop de difficulté augmenter les loyers, c’est simplement ajouter des logements qui ont toutes les chances d’être aussi inaccessibles pour les ménages à faible revenu.

À travers les propos du premier ministre et les mesures qu’il prône, c’est sa vision de l’habitation (tout comme celle de sa ministre responsable de ce dossier) qui se dégage : celle d’un marché où se rencontreraient des égaux. Pourtant, tous les acteurs dans le marché locatif n’ont pas les mêmes ressources et surtout, le même objectif. Si des ménages deviennent locataires, c’est pour répondre à leur besoin de se loger. Quant aux propriétaires d’immeubles locatifs, ils espèrent en tirer un profit. En mettant les propriétaires et les locataires sur un pied d’égalité, on s’empêche de voir qu’il existe une contradiction entre le logement comme bien essentiel d’un côté, et comme investissement lucratif de l’autre. Ce faisant, on écarte forcément les mesures qui permettraient de dépasser cette tension.

L’exemple de la fin du programme AccèsLogis est à cet égard éloquent. Ce programme permettait « à des offices d’habitation (OH), à des coopératives d’habitation (COOP), à des organismes sans but lucratif (OSBL) ainsi qu’à des sociétés acheteuses sans but lucratif de créer et d’offrir en location des logements de qualité et abordables. » Il rendait ainsi possible la création de logements perpétuellement abordables parce que soustraits de l’impératif de générer un profit.

Le Programme d’habitation abordable du Québec qui l’a remplacé vise pour sa part à « appuyer financièrement des projets de logements locatifs abordables destinés à des ménages à revenu modeste ou faible ainsi qu’à des personnes ayant des besoins particuliers en habitation. Ainsi, les logements construits devront être offerts à un loyer maximum fixé par la Société d’habitation du Québec (SHQ) correspondant environ au loyer médian. » Si le loyer médian augmente, alors le coût des logements offerts en vertu de ce programme augmentera, et ce, sans égard pour l’évolution des revenus des locataires.

C’est pourquoi construire plus n’a de sens que si c’est pour faire croître l’offre de logements dit « hors marché privé ». Et c’est pourquoi il faut prioriser le contrôle des loyers sur les transferts aux ménages. En clair, les tendances en cours dans le marché locatif (tout comme dans le marché immobilier d’ailleurs) montrent que c’est seulement en sortant le plus de logements possibles de la logique lucrative que l’on pourra protéger de manière pérenne l’abordabilité du logement.


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