Mais où sont-ils passés? Des enseignants racontent pourquoi (Forum)

par Jéromec, vendredi 25 août 2023, 07:41 (il y a 694 jours) @ Jéromec

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Mais où sont-ils passés? Des enseignants racontent pourquoi ils ont démissionné

Ils préfèrent maintenant travailler comme fermier ou influenceuse, par exemple
Vincent Ouellet Destroismaisons
Vincent Ouellette Destroismaisons enseignait les math, les sciences et d'autres matières jusqu'à récemment. Cette année, il se consacrera plutôt à la culture maraîchère. COURTOISIE VICTOR DESTROISMAISONS
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DOMINIQUE SCALI et MARIANNE LANGLOIS
Vendredi, 25 août 2023 00:00

MISE À JOUR Vendredi, 25 août 2023 00:00

Découragés par les conditions de travail dans les écoles, des enseignants qui avaient près de dix ans d’expérience ont carrément décidé de lâcher le métier pour vaquer à des occupations qui n'ont rien à voir avec ce qu'ils faisaient en classe.

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Jusqu’à récemment, Vincent Ouellette Destroimaisons, 35 ans, était heureux dans son travail d’enseignant. Il aimait ses élèves. Il aimait ses collègues, sa direction et son école, située en Outaouais.

Mais la semaine prochaine, il ne sera pas en classe pour enseigner les math, les sciences ou l’informatique.

Il se consacrera plutôt à ses trois enfants et à sa fermette d’autosuffisance, qui comprend des poules, des canards et des cailles, tout en travaillant dans une coopérative.

Il fait partie des milliers d’enseignants qui ont lâché le métier récemment, alors que le Québec vit une pénurie de personnel sans précédent dans ses écoles, à quelques jours de la rentrée.

Tout gâcher

En travaillant 4 jours par semaine, il avait trouvé le bon équilibre travail-famille. Il avait même l'intention de retourner étudier pour obtenir son brevet d'enseignement, raconte celui qui a déjà milité pour faciliter la qualification de ceux qui n'ont pas suivi le cursus traditionnel.

Et voilà qu’après près de 10 ans, la rigidité de son centre de services scolaire (CSS) est venue tout gâcher. On lui a appris en juin qu’il n’aurait plus d'autre choix que de travailler cinq jours par semaine afin «d’améliorer le service à l’élève».

«Lorsque j’ai fait ma demande [pour 4 jours], ça m’a été refusé puisque tout [privilège] a été coupé pour que les professeurs soient sur un pied d’égalité», déplore-t-il.


Dans les dernières années, plusieurs syndicats ont dénoncé cette façon de penser à court terme qui ne fait souvent qu’alimenter le cercle vicieux des démissions.

Audrey Daignault, 29 ans, avait quant à elle son baccalauréat et son brevet en bonne et due forme. Elle avait 7 ans d’expérience dans les classes du primaire. Mais pour la première fois de sa vie, elle ne vivra pas de rentrée scolaire.

«J’avais le goût de pleurer»

«J’arrivais le matin et j’avais déjà le goût de pleurer», témoigne celle qui enseignait aux petits de première année en Montérégie.

L’hiver dernier, elle a frappé le mur de l’épuisement professionnel (voir autre texte).

Après avoir repris du mieux au fil des mois, elle a décidé de se consacrer à son autre passion, celle du montage et de la création vidéo.

Elle souhaite maintenant gagner sa vie comme influenceuse et créatrice de contenu, puisqu’elle s’y adonnait déjà depuis une dizaine d’années en guise de loisir.

C’est d’ailleurs sur son compte TikTok qu’elle a d’abord témoigné de sa décision de quitter l’enseignement.

«Si tu arrêtes réellement [ta journée de travail] à 16h, ta liste de tâches à faire est longue de même», mime-t-elle dans la vidéo. «Et puis tu ne te sens pas prête pantoute.»

«Il y a une partie de la société qui pense encore que les profs se plaignent pour rien, que les profs sont donc bien avec leurs deux mois de vacances... Mais qui ne se garrochent pas aux portes pour postuler!»

UN ÉPUISEMENT SI COMMUN QUE «ÇA FAIT PEUR»
L’épuisement professionnel est devenu si fréquent en enseignement dans les dernières années que certains ont l’impression qu’il s’agit presque d’un passage obligé.

Quand Audrey Daigneault a annoncé qu’elle tombait en arrêt maladie, l’hiver dernier, la réaction de ses collègues l’a étonnée.

«Je ne me sentais pas du tout jugée. En fait, plusieurs étaient déjà passées par là.»

«C’est comme si c’était commun [le burnout en enseignement]. Et c’est ça qui fait peur.»

Lorsquelle s’est pointée à la clinique médicale pour consulter, elle a dû révéler qu'elle était enseignante.

«La réaction de la secrétaire a été: ah, okay, je comprends!», raconte-t-elle.

Le Journal publiait en février dernier que le Québec a connu une vague de démissions de près de 4000 enseignants depuis trois ans dans ses écoles publiques.

Si certains n’ont pas lâché le métier et ont simplement changé de CSS, les témoignages de profs au bout du rouleau ne cessent de s'accumuler.

Feux à éteindre

«J’aimais beaucoup mon école, mais c’était en milieu très défavorisé, coté au maximum», explique Mme Daigneault.

Dans les deux dernières années, ses groupes ont été extrêmement lourds, avec des jeunes qui faisaient des crises et lançaient des objets. D’autres avaient d’importants troubles d’apprentissage. Elle avait également des petits qui auraient eu besoin d’un peu plus de francisation avant de se retrouver dans une classe régulière, énumère-t-elle.

Elle lève son chapeau aux éducatrices spécialisées qui venaient l’épauler régulièrement, mais elles n’étaient tout simplement pas assez nombreuses pour éteindre tous les feux en même temps.

Manque de respect

Julie (nom fictif) est quant à elle en arrêt de travail depuis juin. Elle enseignait dans la région métropolitaine aux futures infirmières auxiliaires depuis 12 ans.

Elle a préféré garder l’anonymat car elle a toujours un lien d’emploi avec son CSS, mais elle a elle aussi décidé de changer de carrière, tannée du manque de respect de ses étudiantes.

«Je ne suis pas surprise de voir que plusieurs enseignants quittent leur domaine. On ne se sent pas soutenus par nos employeurs. C’est rendu une catastrophe», dit-elle.


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